Depuis octobre 2017, le musée Stella Matutina accueille une pièce exceptionnelle : une « charrette anglaise » datant de 1900 et appartenant à M. Philippe Mondon, qui en a fait don au musée.
Cette charrette a été restaurée par Aurélie MAC LUCKIE, conservatrice-restauratrice. Les restaurations visaient à rendre à la pièce un état de fin d’usage, elle ne devait pas être remise à neuf. Les pièces d’origine, la polychromie encore présente et les traces d’usure devaient être conservées au maximum.
Une pièce exceptionnelle, restaurée avant d’être exposée.
Les restaurations demandées comprenaient : le traitement du bois contre les insectes xylophages, la consolidation du bois, le nettoyage et la conservation de la polychromie encore présente, dans la mesure où cela est compatible avec les restaurations, le remplacement éventuel des pièces de bois trop dégradées pour être conservées, ou dont la perte de matière est telle qu’elle entraîne une perte de lisibilité de l’objet, le traitement des métaux, le remontage des éléments détachés, le nettoyage des différents matériaux, l’application d’une nouvelle couche de protection mate sur la pièce, la fourniture de chandelles pour permettre son exposition dans le parcours muséographique
La « charrette anglaise », expression de la réussite.
La charrette « anglaise » est un véhicule à la fois simple, robuste et prestigieux, tiré par un cheval. Construite localement d’après des modèles européens, elle sert aux déplacements du propriétaire aisé sur son domaine et dans les environs. Elle lui permet d’afficher sa réussite sociale et économique.
Cette charrette était utilisée par les propriétaires du domaine de Manapany, Alexandre Payet et Marie-Alcidonia Bordet, puis par leurs enfants, entre la fin du XIXè et le début du XXè siècles. Elle servait de moyen de transport à la famille, pour se rendre à la messe, à Saint-Joseph et faire le tour de la propriété. Selon la tradition orale rapportée par M.Philippe Mondon, donateur de l’objet, elle aurait été construite par un artisan de Saint-Joseph. Cette charrette est un des rares exemplaires non transformé à des fins décoratives encore existant dans l’île.
Elle permettait au propriétaire de se transporter sur les différents lieux de son domaine afin d’y inspecter l’état des plantations, se rendre à la ville ou à l’église. Ce moyen de transport rural, destiné aux déplacements individuels du propriétaire et de ses proches, était courant sur les exploitations agricoles réunionnaises avant l’arrivée des véhicules à moteur. Elles sont très souvent mentionnées dans les actes de mutation de propriété d’anciens établissements ruraux réunionnais. L’attelage, particulièrement léger, permettait l’accès à des terrains difficiles. La longueur de ses brancards indique qu’elle était tirée par une mule ou un cheval. Les harnais ont disparu. La carriole, suspendue par deux roues en bois cerclées de fer montées sur amortisseur, est essentiellement en bois locaux renforcés de fer forgé à certains endroits. Son système d’enrayage fut breveté en 1850 par Jean-Baptiste Bérard, mécanicien réunionnais, qui fabriquait, par ailleurs, des machines de sucrerie. Elle possède un marchepied, un repose-pied, des accoudoirs moulurés ainsi que deux banquettes en bois indiquant qu’elle pouvait transporter confortablement quatre adultes.
L’espace ménagé en dessous et à l’arrière de la banquette permettait le transport de petites marchandises. Un fanal permettait aux utilisateurs de circuler la nuit.
Les vestiges de peinture rouge et bleue indiquent bien que ce véhicule a également une fonction ostentatoire.
Ce type de transport « individuel », a disparu aujourd’hui. Il s’agit probablement d’un des derniers exemplaires non transformé du genre.
Une charrette à découvrir pendant votre visite
Son entrée au musée Stella Matutina vient enrichir les collections agricoles et rurales, en présentant un véhicule étroitement lié à l’histoire, à la sociologie et à la géographie des domaines agricoles réunionnais d’avant la mécanisation.
Il est à mettre en lien avec d’autres objets déjà présents dans les collections : la selle de cheval, témoin des déplacements individuels des cadres sur les domaines agricoles, la Jeep Willys (non exposée), premier véhicule automobile tout-terrain répandu parmi les planteurs aisés dans La Réunion d’après-guerre, et les charrettes-boeufs qui sont le pendant utilitaire de cette nouvelle acquisition. Celle-ci permettra d’évoquer par un objet remarquable du patrimoine, aussi bien les savoir-faire pointus des charrons réunionnais, également capables de créer des véhicules d’apparat, que le mode de vie des classes possédantes sur les habitations pendant la période coloniale.